lundi 7 avril 2008

Raphaël : voyage en solitaire

Un bruit, un courant d'air, un cliché, tous un peu nauséabonds, courent sur Raphaël. Sa musique serait à l'image de son visage angélique alors qu'elle n'est que spleen, angoisses vertueuses et voyages vertigineux. Des chansons obsédées par la transmission et la perte mais potentiellement trompeuses puisqu'elles paraissent sous des mélodies scintillantes. Chantées par une beauté du diable qui fait craquer les minettes mais pas seulement. Le quatrième album de Raphaël prouve que son travail musical transgresse les limites d'un genre ou d'un public. La production lumineuse - partagée entre Tony «Bowie» Visconti, Renaud Letang et le chanteur - est de la race des seigneurs. L'inspiration féconde enfante des chansons qui couvrent, une nouvelle fois, les thèmes de l'oubli, de l'injustice et de l'exil géographique comme sentimental. La voix nasillarde du chanteur nous rassure toujours sur ses fêlures : elles n'ont pas été guéries par le succès démentiel de Caravane, 1 800 000 exemplaires vendus en France, plus de 100 000 en Belgique. Une chose semble désormais acquise : les nouvelles chansons sont faites pour rester avec nous. Le vent de l'hiver mais aussi Adieu Haïti (en duo avec le Jamaïcain Toots Hibbert, des Maytals), Quand c'est toi qui conduis et le merveilleux Concordia. Qu'on écoute en boucle, avec obsession, ébloui par sa lumière naturelle et son histoire d'aviateur égaré en Argentine. L'un des deux pays des parents de Raphaël Haroche, 32 ans, Français, Juif, slave, dont une grand-mère vient d'Odessa, en Ukraine...

Raphaël : je ne pense pas que la mélancolie se soit aggravée. Pour moi, c'est un état naturel qui n'est ni de l'abattement ni de la désolation. J'ai toujours été mélancolique, parce que c'est un sentiment cotonneux, et même euphorisant. La mélancolie, c'est la beauté du souvenir et la fragilité du moment présent. Ma chanson Les limites du monde est inspirée du Meneur de lune de Joë Bousquet, un type qui a pris une balle dans la moelle épinière en 1914 et qui a passé toute sa vie couché dans une chambre aux volets clos... C'est une chanson sur le ruban qui se déroule à l'intérieur ! L'idée de frontières ne correspond ni à mon schéma de pensée ni à mes principes de droit. A chaque fois, j'essaie de me mettre dans la peau de ces mecs qui n'ont rien et j'évalue l'idée de me barrer au bout du monde, un truc à la Lelouch. La cigarette, cela fait trois ans que j'ai arrêté, quelle erreur (sourire) ! L'odeur des Gitanes... Pour moi, la musique est une expérience complètement psychanalytique même si j'ai longtemps considéré cette idée comme tartignole ! On m'a demandé si Le vent de l'hiver, où je parle du loup à ma porte, fait allusion à la chanson de Reggiani. Si cela se trouve, c'est çà, j'écoutais tout le temps ce morceau (Ndlr, Les loups sont entrés dans Paris) quand j'étais petit. En même temps, c'est une mise en abîme sur d'autres chansons... Quant au Sixième étage, je me suis rendu compte que le saut dans le vide d'une personne proche de moi, une semaine avant d'avoir écrit le texte, n'était pas étranger au morceau ! Pour moi, tout est comme dans un rêve, avec des jeux de mots et des substitutions : tout est sublimé, souterrain. Rimbaud n'a pas disparu. Non, c'est l'idée de passer une frontière, sans amis, carte de crédit ou téléphone et de se retrouver dans un resto à gagner sa vie. Je ne vois pas au nom de quoi on peut interdire cela. Adieu Haïti vient de là, d'une fascination pour l'île qui est le cœur de l'Amérique, le port de tous les dangers qui a survécu à deux siècles de domination, de dictateurs, de magie et de christianisme.

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